Bonjour je m'appelle Navane et j'ai appris avec le temps à ne plus être dans une hyper-exigence avec moi-même. Il m'en reste une nature déterminée et un infime côté ultra chiante.

Je voulais être parfaite. C'était un peu raté, ou devrais-je dire presque un tour de force vu de là où je partais. Mais la perfectionniste carbure toujours aux défis
Bien-sur, ce besoin de perfection prenait différentes formes... Alors que j'étais une enfant docile, je me suis retrouvée à tenir tête poliment à une directrice d'école en la mettant face à l'incohérence de son discours. Un premier soubresaut uranien sans doute
Tu sais, Imogen, la perspective peu ragoutante d'avoir à mâcher un morceau de mimolette, c'était comme avoir un stade rempli qui scandait « vas-y, la petite chérie, te laisse pas faire »

Lorsque j'étais enfant et au début de l'adolescence, c'était très prononcé. Je croyais que le ridicule pouvait tuer. Pour de vrai. J'ai eu quelques interrogations quant à l'image que je renvoyais aux autres. La crainte latente ? Ne pas être acceptée pour une mèche de cheveux récalcitrante, un tombé asymétrique du pantalon au niveau des chaussures, et quand on est une nana asymétrique généralisée, le tombé ne pouvait qu'être asymétrique (le défi, y'a que ça de vrai), ou pour des chaussures manquantes.

Ah, les chaussures manquantes ! Une de mes grandes peurs était de me retrouver à l'école sans chaussures.
Alors, tous les matins, je regardais ma mère me mettre mes chaussures avant de prendre le taxi pour aller à l'école. J'observais attentivement «oui, maman me met bien mes chaussures, bien serrées ». Le plus absurde c'était que, malgré tout, je vérifiais plusieurs fois avant de monter dans la voiture. Ne sait-on jamais qu'elles disparaissent (les lacets auraient pu se défaire et les chaussures se mettre à courir sans moi d'autant qu'il était plus probable qu'elles galopent sans moi qu'avec ) et que je me retrouve toute bête sans chaussures et traumatisme à vie. Sans exagérer pour le trauma.

Je constatais, scrutais mes pieds chaussés. Je bougeais mes doigts de pieds pour me rendre compte qu'ils étaient bien contenus dans la basket, c'est bon, j'ai bien mes chaussures. Elles sont là. Le truc terrible.

Un jour à une séance d'ergothérapie, une chaussure orthopédique était posée sur le bureau de mon ergothérapeute.
Curieuse, je lui ai demandé ce que cette chaussure (propre évidemment) faisait sur la table. Elle m'a répondu qu'elle apprenait à ma copine à faire ses lacets de façon plus adaptée et plus simple par rapport à sa pathologie.
Et là, l'évidence m'a froudroyée ! J'avais regardé ma mère, mon père, mes frères, tous les membres de mon univers, des centaines de fois me mettre des chaussures. Je savais lire, écrire, compter, mais je ne savais toujours pas lacer mes chaussures. A 8 ans. Nulle de chez nulle. Honte sur moi. Traumatisme. Je lui ai alors demandée si elle pouvait m'apprendre à le faire aussi, en sachant que je n'aurais jamais à lacer mes chaussures.
Après ça, la peur de me rendre à l'école pieds nus disparut définitivement.

Avec un carré de mes z'amants en Vierge à Uranus, cette recherche de perfection s'est étiolée au fil de mes rencontres qui m'ont secoué et montré tout ce qui sommeillait en moi. Tout ce que je ratais en m'enfermant dans ce cadre affreusement inconfortable. Accueillir l'imperfection, c'est le champs des possibles qui s'ouvre à soi.

J'ai depuis opté pour un coiffé-décoiffé pour faire plaisir à la mèche récalcitrante (qui m'en remercie tous les jours). Je ris pour des idioties, j'en raconte quelques unes. Je suis toujours aussi asymétrique, non! je suis encore plus asymétrique (le défi toujours, le côté jusque-boutiste ) qu'il y a 20 ans mais aujourd'hui je ris de mon corps/image autant que lui s'est foutu de ma gueule. Et il me le rend bien... Parfaitement imparfaite

Comme toi Imogen, j'ai érigé l'autodérision en art de vivre