Les médias français ou canadien parlent il de la situation au Bangladesh et du nettoyage ethnique actuel ?
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Sujet: Re: Bangladesh Jeu 15 Aoû - 17:13
Il semble que l'oncle Sam soit derrière ces faits (déstabilisation du gouvernement etc.)
Nathan
Sujet: Re: Bangladesh Jeu 15 Aoû - 17:46
Prie le bon dieu de nous fournir l'éclairage nécessaire.
Macha
Sujet: Re: Bangladesh Jeu 15 Aoû - 17:50
J'ai trouvé ça
Le Parisien du 6/6/2024
Violences au Bangladesh : pourquoi le sort des minorités suscite l'inquiétude:
Pierre Hardy, Fleur Martinho
Ils se disent « très inquiets ». Les diplomates de l'Union européenne au Bangladesh se sont dit mardi préoccupé par le sort des minorités dans ce pays, après des attaques visant des communautés religieuses, au lendemain de la fuite de la Première ministre du pays en proie à des émeutes meurtrières.
« Les chefs de mission de l'UE à Dacca sont très inquiets du fait d'informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh », est-il écrit dans un communiqué de l'Union européenne au Bangladesh, publié sur X et reposté par l'ambassadeur de l'UE dans ce pays Charles Whiteley.
pic.twitter.com/XghgkgUdCE - European Union in Bangladesh (@EUinBangladesh) August 6, 2024
Des commerces et maisons appartenant à des hindous ont été pris pour cible par des manifestants lundi, selon des témoins. Le média indien The Print a pour sa part fait état d'attaques ayant visé au moins deux temples hindous. La maison d'un musicien hindou célèbre, Rahul Ananda, a également été incendiée.
La police a signalé que des foules avaient également lancé des attaques contre les alliés de la Première ministre Sheikh Hasina. Les bureaux de son parti, la Ligue Awami, ont été incendiés et pillés dans tout le pays, ont indiqué des témoins oculaires à l'AFP.
L'Islam religion d'État
Des observateurs craignent que la crise politique actuelle ravive les tensions entre les communautés au Bangladesh. Selon le recensement national de 2022, cité par le département d'État américain dans un rapport, la population du pays compte environ 91 % de musulmans et 8 % d'hindous - le 1 % restant étant notamment constitué de chrétiens et de bouddhistes. La Constitution du Bangladesh défend le principe de laïcité mais désigne l'Islam comme religion d'État.
Les minorités religieuses y sont régulièrement victimes de persécutions. L'ONG de défense des droits humains Odhikar a recensé 20 meurtres commis contre des membres de minorités entre 2007 et 2021. Près de 1 500 attaques contre des propriétés et des temples ont également été rapportées sur la même période.
La minorité hindoue - la plus importante - est particulièrement ciblée : une série d'attaques contre ses représentants avait fait une dizaine de morts et des centaines de blessées en 2021, lors des célébrations de Durga Puja, une des grandes fêtes hindoues. Des épisodes similaires de violences s'étaient produits en 2016 et en 2012.
« Pas d'instrumentalisation de la violence »
Les Hindous sont d'autant plus visés que la dirigeante déchue Sheikh Hasina est accusée de proximité avec eux. Celle-ci s'était en effet rapprochée du Premier ministre indien Narendra Modi par opposition à son principal rival, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), pour qui l'islam est une composante de l'identité bangladaise. « Il y a une forme de convergence des luttes entre Modi et Hasinah, qui en écrasant le BNP, muselait les partis nationalistes », explique Yohan Briant, directeur général de l'institut d'études de géopolitique appliquée.
Pour ce spécialiste de la région, la situation actuelle ne suscite toutefois pas d'inquiétudes excessives pour le moment dans la mesure où il n'y a pas « d'instrumentalisation volontaire de cette violence par les politiques ». « Les attaques contre des minorités ne sont pas le fruit d'une décision politique, elles ont éclaté dans le pays mais la situation va finir par se calmer », anticipe-t-il.
Les chefs de mission de l'UE dans le pays ont malgré tout appelé toutes les parties « à faire preuve de retenue, au rejet de la violence communautaire et au respect des droits de l'homme de tous les Bangladais ». Ils ont par ailleurs salué « les efforts déployés par le mouvement étudiant et d'autres pour protéger les minorités ».
Mardi, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a également déclaré que New Delhi « surveillait la situation en ce qui concerne le statut des minorités ». Il a ajouté que le gouvernement resterait « profondément préoccupé jusqu'à ce que l'ordre public soit visiblement rétabli ».
Le Figaro du 8/8/2024
Au Bangladesh, les violences contre les Hindous inquiètent l’Occident et exacerbent le nationalisme indien:
Au Bangladesh, les violences contre les Hindous inquiètent l’Occident et exacerbent le nationalisme indien
DÉCRYPTAGE - Dans ce pays secoué depuis juillet par des manifestations durement réprimées, de nombreuses images rapportent des violences islamistes que subiraient la minorité religieuse. Impossible à quantifier, le phénomène est exploité par des militants fondamentalistes indiens.
L’épilogue de la crise politique que traverse le Bangladesh ne semble pas se dessiner. Alors que ce pays de 171 millions d’habitants vit depuis le 1er juillet au rythme de manifestations lourdement réprimées par les forces de l’ordre - au moins 300 personnes auraient été tuées lors des affrontements - et que la première ministre, Sheikh Hasina, a démissionné et fui le pays lundi 5 août pour rejoindre l’Inde, le sort de la communauté hindoue suscite l’inquiétude.
Depuis plusieurs jours, des images et des vidéos, pour la majorité impossibles à authentifier, circulent sur les réseaux sociaux, X et Facebook en tête, ainsi que sur les messageries cryptées comme Telegram. Ces dernières, supposément prises au Bangladesh, montrent des corps calcinés, des temples incendiés, des boutiques pillées, des scènes de viols ou encore des hommes pendus. Toutes ont un point commun : les victimes appartiendraient à la communauté hindoue, religion minoritaire (8%) dans un pays où les musulmans sunnites représentent 91% de la population selon le gouvernement américain et où l’Islam est érigé par la Constitution en religion d’État - bien que cette dernière garantisse «l'égalité de statut et de droits dans la pratique des religions» .
Boucs émissaires
«Dans cette région, la question des minorités religieuses est très sensible. À chaque crise, ces dernières sont pratiquement toujours la cible d’attaques. Cela est particulièrement vrai au Bangladesh depuis de très nombreuses années» , analyse Philippe Benoît, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et spécialiste du Bangladesh, qui affirme que des «attaques contre des temples et des propriétés hindous » ont eu lieu à différents endroits du pays. Plusieurs médias, locaux et internationaux, ont relayé de tels faits. Le Conseil hindou-bouddhiste-chrétien du Bangladesh (BHBCUC) a, par exemple, déclaré à Reuters «que 200 à 300 maisons et commerces, principalement hindous, ont été vandalisés depuis lundi, et que 15 à 20 temples hindous ont été endommagés» . Des informations impossibles à vérifier.
Aujourd’hui boucs émissaires, les Hindous représentaient environ 35% de la population du Bangladesh en 1947, qui s’appelait à l’époque Pakistan oriental. Le pays faisait alors partie de la nation musulmane née de l'indépendance des Indes anglaises et est dirigé depuis Islamabad, l’actuelle capitale du Pakistan. Ce n’est qu’en 1971, à la séparation de la partie occidentale du Pakistan, que le «pays du Bengale» devient indépendant. Entre-temps, explique Philippe Benoît, des «vagues d'émigration successives» ont poussé les Hindous hors de leurs frontières, notamment vers l’Inde.
La dernière vague récente d’attaques massives contre cette population au Bangladesh a eu lieu en octobre 2021. Lors d’une des grandes fêtes hindoues, la vidéo d’un prétendu blasphème contre le Coran posé aux pieds de la statue d’une divinité hindoue avait embrasé le pays pendant plus d’une semaine. Plusieurs centaines de maisons avaient été incendiées, des centaines de personnes avaient été blessées et une dizaine de personnes avaient perdu la vie.
Fausses informations et trolls nationalistes
Mais si des exactions contre les Hindous du Bangladesh ont bel et bien eu lieu ces derniers jours - la maison du célèbre musicien hindou Rahul Ananda , qu’Emmanuel Macron avait rencontré lors d’une visite en Inde en 2023, a notamment été incendiée - de nombreuses fausses informations circulent en ligne. Mardi, plusieurs comptes X ont ainsi affirmé, vidéo à l’appui, qu’un «temple hindou» avait été incendié. Quelques recherches permettent de dire que le bâtiment est en réalité un restaurant situé dans le district de Satkhira, au sud-ouest du pays.
D’autres images montrent encore la supposée échoppe d’un commerçant hindou en flammes. Pourtant, ces images et les personnes apparaissant dessus sont les mêmes que celles prises par un média local en juillet 2024 lors de l’incendie de plusieurs boutiques dans un marché. Un ultime exemple illustre cette exacerbation des tensions religieuses et ethniques. Plusieurs photos et vidéos montrent deux hommes pendus par une corde depuis un pont, à Dacca. L’ouvrage en question se situe effectivement dans la capitale bangladaise mais l’identité des deux hommes n’est pas certaine. D’aucuns affirment que ce sont des Hindous, d’autres que les victimes sont des policiers tués lors de l’attaque d’un commissariat.
Dans de nombreux cas, ces images sont relayées par des comptes appartenant à des «médias» douteux ou des militants hindous fondamentalistes. C'est le cas de Rishi Bagree, troll d'extrême droite originaire de Calcutta réputé pour diffuser des fausses informations auprès de ses 440.000 abonnés sur X. Ou encore de la très active fondamentaliste hindoue Sunanda Roy, suivie par près de 90.000 personnes sur X.
«Barbares islamistes» et «musulmans radicaux»
À chaque fois, sans réelles preuves, les auteurs de ces crimes sont tout trouvés : les «musulmans radicaux»et les «barbares islamistes». La présence de groupes terroristes islamistes est un fait au Bangladesh, tourmenté par des mouvements radicaux et victime du terrorisme international. En 2016, l’État islamique avait par exemple revendiqué l’attentat dans un restaurant qui avait fait 20 morts à Dacca.
De même, le groupe islamiste Hefazat n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis sa création en 2010 pour s’opposer à un projet de loi donnant aux femmes les mêmes droits d’héritage qu’aux hommes. Ce mouvement, qui bénéficie du soutien de plusieurs millions de fidèles, exerce notamment un important contrôle sur les écoles coraniques du pays. En 2013, Hefazat avait présenté un programme en 13 points. Pêle-mêle, ce dernier demandait l’instauration d’une peine de mort pour empêcher la diffamation de l’islam, la libération des étudiants musulmans arrêtés et l'ouverture d'un espace plus large pour les droits des musulmans.
«Campagne de diversion»
«Cette récupération qui peut être le fait de certains nationalistes indiens n'est pas étonnante. L’une des leurs grandes préoccupations est le manque de sécurité des Hindous dans les pays voisins , analyse Philippe Benoît. Derrière cela, l’idée est de dire que l'Inde doit intervenir et ouvrir ses portes à cette population qui ne serait en sécurité nulle part.» Pour Jean-Joseph Boillot, conseiller à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), l’installation de ce nouveau récit ne serait rien d’autre qu’une «campagne de diversion» menée par des activistes nationalistes indiens. Une campagne numérique menée tambour battant pour tenter, selon lui, de faire oublier «les morts des manifestations et la défaite politique de Sheikh Hasina» . Le tout dans un contexte d’avènement de l’hindutva en Inde, l ’idéologie extrémiste et nationaliste hindoue née en 1947 et incarnée aujourd’hui par le premier ministre Narendra Modi.
La chute de la leader de la Ligue Awami au début de son cinquième mandat n’est effectivement pas une bonne nouvelle pour l’Inde , qui partage plus de 4000 kilomètres de frontières avec le Bangladesh. Après son indépendance, obtenue en partie grâce à l’intervention militaire de l’Inde en sa faveur, le huitième pays le plus peuplé au monde est dirigé par Sheikh Mujibur Rahman, l’un des principaux architectes du mouvement d’émancipation vis-à-vis du Pakistan et père de Sheikh Hasina. «À partir de ce moment-là, la Ligue Awami est associée à un parti très favorable à l'Inde et ses ennemis le présentent comme un agent de New Dehli» , explique Philippe Benoît.
Inquiétudes des chancelleries occidentales
Après l’assassinat de Sheikh Mujibur Rahman, le pays bascule aux mains du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), hostile à l’Inde. «Depuis lors, la politique nationale s’est beaucoup focalisée sur les relations avec le puissant voisin. Mais il s’agit davantage de rhétorique pour exacerber le nationalisme, car économiquement et stratégiquement, on peut difficilement imaginer un Bangladesh complètement coupé de l’Inde» , poursuit le maître de conférences à l’Inalco. Toujours est-il : le départ de Sheikh Hasina ouvre la porte à une victoire du BNP, réputé favorable à la Chine - aujourd’hui premier partenaire commercial de Dacca - et au Pakistan, les deux ennemis de l’Inde dans la région.
Ces tensions sont scrutées de près par par les chancelleries occidentales et de nombreuses d’ONG, inquiètes pour les minorités , notamment hindoues. « Les chefs de mission de l'Union européenne à Dacca sont très inquiets du fait d'informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh» , a écrit la représentation locale de l’UE, quand le directeur de Transparency International Bangladesh s’alarme d’ «attaques [allant] à l'encontre de l'esprit du mouvement étudiant anti-discrimination» , à l’origine des manifestations.
De son côté, le puissant voisin indien, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, affirme «surveiller la situation en ce qui concerne le statut des minorités» . «L'ampleur réelle de ces attaques n'est pas encore claire» , a-t-il ajouté à l’occasion d’une déclaration au Parlement . Un inspecteur de la Force de sécurité frontalière (BSF) de l'Inde a toutefois affirmé à l’AFP que «plusieurs centaines de ressortissants bangladais, pour la plupart hindous, se sont rassemblés le long de la frontière» avec l'Inde. De retour au Bangladesh, Muhammad Yunus , le chef du gouvernement intérimaire et prix Nobel de la paix en 2006, a promis ce jeudi, de rétablir «la loi et l’ordre».
Le Monde du 14/8/2024
Bangladesh : les hindous craignent d’être victimes de la « révolution »:
Après le renversement de la première ministre Sheikh Hasina, la minorité a été visée par des attaques
Carole Dieterich
Dacca - envoyée spéciale - Dans la nuit du lundi 5 août, aux alentours de minuit, plusieurs hommes ont fait irruption dans la maison des Chakraborty, des hindous vivant dans le district de Bagerhat, situé dans le sud du pays. Priyonti, la cadette, âgée de 21 ans, a eu le temps de se cacher. « J’ai vu les attaquants frapper mon père à la tête. Il est mort sur le coup », raconte-t-elle par téléphone. Sa mère et sa sœur ont été grièvement blessées, explique-t-elle encore. Priyonti Chakraborty pense que les assaillants ont profité du chaos qui régnait cette nuit-là, après la chute de l’ancienne première ministre Sheikh Hasina, contrainte de fuir en Inde : « Je soupçonne des voisins de nous avoir attaqués afin de nous prendre nos terres. »
Les survivants ont déserté la demeure familiale, dont le sol reste recouvert du sang du patriarche. « Nous ne l’avons pas nettoyé pour que la police puisse récolter les preuves nécessaires à l’enquête », explique Priyonti Chakraborty. Aucune plainte n’a pu être déposée, et aucun travail d’investigation n’a encore eu lieu, la majorité des policiers ayant tout juste repris leurs fonctions après une semaine de grève. Après avoir participé à la brutale répression du mouvement étudiant, ils avaient déserté par peur des représailles. « Qu’allons-nous faire si on nous attaque une nouvelle fois ? », s’inquiète Priyonti Chakraborty.
Longtemps, les hindous ont été considérés comme une base de soutien pour le parti de la première ministre déchue, la Ligue Awami. « Personne dans ma famille ne fait de politique, cela n’a rien à voir avec le départ de Sheikh Hasina, je pense simplement que notre maison a été pillée et saccagée car l’opportunité s’est présentée », proteste Suborna Sharma Mukti, une étudiante hindoue de 23 ans, originaire de Parbatipur, dans le nord du pays, dont la demeure familiale a été visée. « Des vandales l’ont saccagée, nous avions huit vaches, elles ont toutes été volées », raconte-t-elle au milieu des slogans repris par la foule. A Dacca, la capitale, dimanche 11 août, plusieurs centaines de personnes, comme elle, s’étaient rassemblées pour le troisième jour d’affilée dans le but de demander au nouveau gouvernement intérimaire du Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus d’agir.
Rester discrets
Selon le porte-parole du Hindu Buddhist Christian Unity Council, des violences sont à déplorer dans tous les districts du pays. La plupart ont ciblé des maisons, des magasins, mais aussi des temples hindous, avec une gravité variable. L’organisation, qui œuvre pour la protection des droits des minorités, a recensé trois morts à travers le pays depuis début août.
La maison du musicien de renom Rahul Ananda a elle aussi été incendiée, lundi 5 août, dans le quartier de Dhanmondi, à Dacca. Lors de sa visite au Bangladesh, en septembre 2023, le président français, Emmanuel Macron, avait rendu visite à l’artiste. Par peur de devenir des cibles, certains hindous choisissent de rester discrets. « Un ami de mon père a dû fuir sa maison et s’est réfugié chez nous pour se cacher », explique une lycéenne de 16 ans, dont nous avons choisi de taire le nom. « Il préfère ne pas s’exprimer, car il reçoit toujours des menaces téléphoniques », s’inquiète la jeune fille.
Au vu du contexte, la sécurité du temple hindou de Dhakeshwari, le plus important du pays, situé dans le vieux Dacca, a été renforcée. La nuit, en l’absence de la police, une vingtaine de volontaires de toutes les religions se mobilisent pour garder ce lieu de culte vieux de 800 ans. « Les minorités sont mentalement très éprouvées et craignent pour leur sécurité », estime l’activiste Kajal Debnath. La situation est plus inquiétante dans les campagnes. « Je vis dans une petite ville et je me sens en sécurité, mais mes parents, qui sont à la campagne, se trouvent dans un état de panique », confirme Shushata Boiragi, venue visiter le temple.
Les hindous représentent environ 8 % de la population dans ce pays de 170 millions d’habitants à majorité musulmane. Beaucoup ont fui vers l’Inde voisine durant la guerre de libération contre le Pakistan en 1971, mais ils restent la plus importante minorité religieuse du Bangladesh.
« Les hindous ont toujours fait les frais des soubresauts politiques, et chaque fois cela a conduit à l’exode », déplore Kajal Debnath, qui craint une nouvelle fuite des populations hindoues vers l’Inde. New Delhi a créé, le 9 août, un comité chargé de surveiller la situation à la frontière indo-bangladaise, dont l’objectif est d’ « assurer la sûreté et la sécurité des ressortissants indiens, des hindous et des autres communautés minoritaires qui vivent[au Bangladesh] », a déclaré le ministère de l’intérieur indien sur X.
Le gouvernement intérimaire s’est engagé à mettre fin aux violences contre des minorités religieuses « constatées[en certains endroits] avec une vive inquiétude », a-t-il déclaré dans son premier communiqué officiel. Les conseillers se réuniront immédiatement pour « trouver des moyens de mettre un terme à ces attaques odieuses ». Le chef du gouvernement par intérim, Muhammad Yunus, avait déjà lancé, samedi, un appel à l’unité religieuse. « Notre responsabilité est de construire un nouveau Bangladesh » , a déclaré l’économiste de 84 ans. « Ne faisons pas de différence en fonction de la religion », a-t-il insisté.
« Plus vulnérables »
Presque tous les incidents ont eu lieu dans les heures chaotiques qui ont suivi la fuite de la première ministre et la grève des forces de police, détestées pour avoir tiré sur des manifestants anti-Hasina. « La situation sécuritaire s’est considérablement dégradée à ce moment-là, et ces attaques ont pour but de se saisir des terres, elles visent les hindous car ils sont plus vulnérables et donc plus faciles à cibler », avance Faruq Faisel, directeur d’une organisation locale de défense des droits humains.
Le phénomène, dont il est difficile de prendre la mesure, a largement été amplifié par des rumeurs relayées sur les réseaux sociaux et dans les médias indiens, pays voisin à majorité hindoue. « Les médias indiens ont joué un rôle en exagérant les problèmes, et certaines des attaques rapportées sur les réseaux sociaux se sont révélées fausses », abonde Faruq Faisel. De nombreuses allégations trouvent leurs sources sur les réseaux indiens, où le premier ministre, Narendra Modi, nationaliste hindou décomplexé, était un soutien du régime de Sheikh Hasina.
L’équipe de Rumor Scanner, une organisation bangladaise spécialisée dans la vérification des faits, a identifié plus de 40 rumeurs de ce type propagées par des comptes indiens sur les réseaux sociaux, mais aussi par des médias. Une publication affirme que la résidence du célèbre joueur de cricket hindou Litton Das a été incendiée, avec la photo de la maison en flammes d’un autre joueur de cricket, qui est musulman. Le sportif a lui-même démenti sur Facebook. D’autres messages affirment, à tort, que 500 hindous ont été tués ou que des centaines de femmes hindoues ont été violées.
Si les pires informations faisant état d’attaques contre les hindous ont été fabriquées de toutes pièces, la peur et la colère qui se sont emparées de la communauté sont bien réelles. « On ne se sent en sécurité nulle part » , regrette Suborna Sharma Mukti, au milieu des manifestants réunis à Shahbag, d’où la contestation étudiante est partie en juillet.
Glauque
Sujet: Re: Bangladesh Jeu 15 Aoû - 18:17
Macha a écrit:
J'ai trouvé ça
Le Parisien du 6/6/2024
Violences au Bangladesh : pourquoi le sort des minorités suscite l'inquiétude:
Pierre Hardy, Fleur Martinho
Ils se disent « très inquiets ». Les diplomates de l'Union européenne au Bangladesh se sont dit mardi préoccupé par le sort des minorités dans ce pays, après des attaques visant des communautés religieuses, au lendemain de la fuite de la Première ministre du pays en proie à des émeutes meurtrières.
« Les chefs de mission de l'UE à Dacca sont très inquiets du fait d'informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh », est-il écrit dans un communiqué de l'Union européenne au Bangladesh, publié sur X et reposté par l'ambassadeur de l'UE dans ce pays Charles Whiteley.
pic.twitter.com/XghgkgUdCE - European Union in Bangladesh (@EUinBangladesh) August 6, 2024
Des commerces et maisons appartenant à des hindous ont été pris pour cible par des manifestants lundi, selon des témoins. Le média indien The Print a pour sa part fait état d'attaques ayant visé au moins deux temples hindous. La maison d'un musicien hindou célèbre, Rahul Ananda, a également été incendiée.
La police a signalé que des foules avaient également lancé des attaques contre les alliés de la Première ministre Sheikh Hasina. Les bureaux de son parti, la Ligue Awami, ont été incendiés et pillés dans tout le pays, ont indiqué des témoins oculaires à l'AFP.
L'Islam religion d'État
Des observateurs craignent que la crise politique actuelle ravive les tensions entre les communautés au Bangladesh. Selon le recensement national de 2022, cité par le département d'État américain dans un rapport, la population du pays compte environ 91 % de musulmans et 8 % d'hindous - le 1 % restant étant notamment constitué de chrétiens et de bouddhistes. La Constitution du Bangladesh défend le principe de laïcité mais désigne l'Islam comme religion d'État.
Les minorités religieuses y sont régulièrement victimes de persécutions. L'ONG de défense des droits humains Odhikar a recensé 20 meurtres commis contre des membres de minorités entre 2007 et 2021. Près de 1 500 attaques contre des propriétés et des temples ont également été rapportées sur la même période.
La minorité hindoue - la plus importante - est particulièrement ciblée : une série d'attaques contre ses représentants avait fait une dizaine de morts et des centaines de blessées en 2021, lors des célébrations de Durga Puja, une des grandes fêtes hindoues. Des épisodes similaires de violences s'étaient produits en 2016 et en 2012.
« Pas d'instrumentalisation de la violence »
Les Hindous sont d'autant plus visés que la dirigeante déchue Sheikh Hasina est accusée de proximité avec eux. Celle-ci s'était en effet rapprochée du Premier ministre indien Narendra Modi par opposition à son principal rival, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), pour qui l'islam est une composante de l'identité bangladaise. « Il y a une forme de convergence des luttes entre Modi et Hasinah, qui en écrasant le BNP, muselait les partis nationalistes », explique Yohan Briant, directeur général de l'institut d'études de géopolitique appliquée.
Pour ce spécialiste de la région, la situation actuelle ne suscite toutefois pas d'inquiétudes excessives pour le moment dans la mesure où il n'y a pas « d'instrumentalisation volontaire de cette violence par les politiques ». « Les attaques contre des minorités ne sont pas le fruit d'une décision politique, elles ont éclaté dans le pays mais la situation va finir par se calmer », anticipe-t-il.
Les chefs de mission de l'UE dans le pays ont malgré tout appelé toutes les parties « à faire preuve de retenue, au rejet de la violence communautaire et au respect des droits de l'homme de tous les Bangladais ». Ils ont par ailleurs salué « les efforts déployés par le mouvement étudiant et d'autres pour protéger les minorités ».
Mardi, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a également déclaré que New Delhi « surveillait la situation en ce qui concerne le statut des minorités ». Il a ajouté que le gouvernement resterait « profondément préoccupé jusqu'à ce que l'ordre public soit visiblement rétabli ».
Le Figaro du 8/8/2024
Au Bangladesh, les violences contre les Hindous inquiètent l’Occident et exacerbent le nationalisme indien:
Au Bangladesh, les violences contre les Hindous inquiètent l’Occident et exacerbent le nationalisme indien
DÉCRYPTAGE - Dans ce pays secoué depuis juillet par des manifestations durement réprimées, de nombreuses images rapportent des violences islamistes que subiraient la minorité religieuse. Impossible à quantifier, le phénomène est exploité par des militants fondamentalistes indiens.
L’épilogue de la crise politique que traverse le Bangladesh ne semble pas se dessiner. Alors que ce pays de 171 millions d’habitants vit depuis le 1er juillet au rythme de manifestations lourdement réprimées par les forces de l’ordre - au moins 300 personnes auraient été tuées lors des affrontements - et que la première ministre, Sheikh Hasina, a démissionné et fui le pays lundi 5 août pour rejoindre l’Inde, le sort de la communauté hindoue suscite l’inquiétude.
Depuis plusieurs jours, des images et des vidéos, pour la majorité impossibles à authentifier, circulent sur les réseaux sociaux, X et Facebook en tête, ainsi que sur les messageries cryptées comme Telegram. Ces dernières, supposément prises au Bangladesh, montrent des corps calcinés, des temples incendiés, des boutiques pillées, des scènes de viols ou encore des hommes pendus. Toutes ont un point commun : les victimes appartiendraient à la communauté hindoue, religion minoritaire (8%) dans un pays où les musulmans sunnites représentent 91% de la population selon le gouvernement américain et où l’Islam est érigé par la Constitution en religion d’État - bien que cette dernière garantisse «l'égalité de statut et de droits dans la pratique des religions» .
Boucs émissaires
«Dans cette région, la question des minorités religieuses est très sensible. À chaque crise, ces dernières sont pratiquement toujours la cible d’attaques. Cela est particulièrement vrai au Bangladesh depuis de très nombreuses années» , analyse Philippe Benoît, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et spécialiste du Bangladesh, qui affirme que des «attaques contre des temples et des propriétés hindous » ont eu lieu à différents endroits du pays. Plusieurs médias, locaux et internationaux, ont relayé de tels faits. Le Conseil hindou-bouddhiste-chrétien du Bangladesh (BHBCUC) a, par exemple, déclaré à Reuters «que 200 à 300 maisons et commerces, principalement hindous, ont été vandalisés depuis lundi, et que 15 à 20 temples hindous ont été endommagés» . Des informations impossibles à vérifier.
Aujourd’hui boucs émissaires, les Hindous représentaient environ 35% de la population du Bangladesh en 1947, qui s’appelait à l’époque Pakistan oriental. Le pays faisait alors partie de la nation musulmane née de l'indépendance des Indes anglaises et est dirigé depuis Islamabad, l’actuelle capitale du Pakistan. Ce n’est qu’en 1971, à la séparation de la partie occidentale du Pakistan, que le «pays du Bengale» devient indépendant. Entre-temps, explique Philippe Benoît, des «vagues d'émigration successives» ont poussé les Hindous hors de leurs frontières, notamment vers l’Inde.
La dernière vague récente d’attaques massives contre cette population au Bangladesh a eu lieu en octobre 2021. Lors d’une des grandes fêtes hindoues, la vidéo d’un prétendu blasphème contre le Coran posé aux pieds de la statue d’une divinité hindoue avait embrasé le pays pendant plus d’une semaine. Plusieurs centaines de maisons avaient été incendiées, des centaines de personnes avaient été blessées et une dizaine de personnes avaient perdu la vie.
Fausses informations et trolls nationalistes
Mais si des exactions contre les Hindous du Bangladesh ont bel et bien eu lieu ces derniers jours - la maison du célèbre musicien hindou Rahul Ananda , qu’Emmanuel Macron avait rencontré lors d’une visite en Inde en 2023, a notamment été incendiée - de nombreuses fausses informations circulent en ligne. Mardi, plusieurs comptes X ont ainsi affirmé, vidéo à l’appui, qu’un «temple hindou» avait été incendié. Quelques recherches permettent de dire que le bâtiment est en réalité un restaurant situé dans le district de Satkhira, au sud-ouest du pays.
D’autres images montrent encore la supposée échoppe d’un commerçant hindou en flammes. Pourtant, ces images et les personnes apparaissant dessus sont les mêmes que celles prises par un média local en juillet 2024 lors de l’incendie de plusieurs boutiques dans un marché. Un ultime exemple illustre cette exacerbation des tensions religieuses et ethniques. Plusieurs photos et vidéos montrent deux hommes pendus par une corde depuis un pont, à Dacca. L’ouvrage en question se situe effectivement dans la capitale bangladaise mais l’identité des deux hommes n’est pas certaine. D’aucuns affirment que ce sont des Hindous, d’autres que les victimes sont des policiers tués lors de l’attaque d’un commissariat.
Dans de nombreux cas, ces images sont relayées par des comptes appartenant à des «médias» douteux ou des militants hindous fondamentalistes. C'est le cas de Rishi Bagree, troll d'extrême droite originaire de Calcutta réputé pour diffuser des fausses informations auprès de ses 440.000 abonnés sur X. Ou encore de la très active fondamentaliste hindoue Sunanda Roy, suivie par près de 90.000 personnes sur X.
«Barbares islamistes» et «musulmans radicaux»
À chaque fois, sans réelles preuves, les auteurs de ces crimes sont tout trouvés : les «musulmans radicaux»et les «barbares islamistes». La présence de groupes terroristes islamistes est un fait au Bangladesh, tourmenté par des mouvements radicaux et victime du terrorisme international. En 2016, l’État islamique avait par exemple revendiqué l’attentat dans un restaurant qui avait fait 20 morts à Dacca.
De même, le groupe islamiste Hefazat n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis sa création en 2010 pour s’opposer à un projet de loi donnant aux femmes les mêmes droits d’héritage qu’aux hommes. Ce mouvement, qui bénéficie du soutien de plusieurs millions de fidèles, exerce notamment un important contrôle sur les écoles coraniques du pays. En 2013, Hefazat avait présenté un programme en 13 points. Pêle-mêle, ce dernier demandait l’instauration d’une peine de mort pour empêcher la diffamation de l’islam, la libération des étudiants musulmans arrêtés et l'ouverture d'un espace plus large pour les droits des musulmans.
«Campagne de diversion»
«Cette récupération qui peut être le fait de certains nationalistes indiens n'est pas étonnante. L’une des leurs grandes préoccupations est le manque de sécurité des Hindous dans les pays voisins , analyse Philippe Benoît. Derrière cela, l’idée est de dire que l'Inde doit intervenir et ouvrir ses portes à cette population qui ne serait en sécurité nulle part.» Pour Jean-Joseph Boillot, conseiller à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), l’installation de ce nouveau récit ne serait rien d’autre qu’une «campagne de diversion» menée par des activistes nationalistes indiens. Une campagne numérique menée tambour battant pour tenter, selon lui, de faire oublier «les morts des manifestations et la défaite politique de Sheikh Hasina» . Le tout dans un contexte d’avènement de l’hindutva en Inde, l ’idéologie extrémiste et nationaliste hindoue née en 1947 et incarnée aujourd’hui par le premier ministre Narendra Modi.
La chute de la leader de la Ligue Awami au début de son cinquième mandat n’est effectivement pas une bonne nouvelle pour l’Inde , qui partage plus de 4000 kilomètres de frontières avec le Bangladesh. Après son indépendance, obtenue en partie grâce à l’intervention militaire de l’Inde en sa faveur, le huitième pays le plus peuplé au monde est dirigé par Sheikh Mujibur Rahman, l’un des principaux architectes du mouvement d’émancipation vis-à-vis du Pakistan et père de Sheikh Hasina. «À partir de ce moment-là, la Ligue Awami est associée à un parti très favorable à l'Inde et ses ennemis le présentent comme un agent de New Dehli» , explique Philippe Benoît.
Inquiétudes des chancelleries occidentales
Après l’assassinat de Sheikh Mujibur Rahman, le pays bascule aux mains du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), hostile à l’Inde. «Depuis lors, la politique nationale s’est beaucoup focalisée sur les relations avec le puissant voisin. Mais il s’agit davantage de rhétorique pour exacerber le nationalisme, car économiquement et stratégiquement, on peut difficilement imaginer un Bangladesh complètement coupé de l’Inde» , poursuit le maître de conférences à l’Inalco. Toujours est-il : le départ de Sheikh Hasina ouvre la porte à une victoire du BNP, réputé favorable à la Chine - aujourd’hui premier partenaire commercial de Dacca - et au Pakistan, les deux ennemis de l’Inde dans la région.
Ces tensions sont scrutées de près par par les chancelleries occidentales et de nombreuses d’ONG, inquiètes pour les minorités , notamment hindoues. « Les chefs de mission de l'Union européenne à Dacca sont très inquiets du fait d'informations faisant état de multiples attaques contre des lieux de culte et des membres de minorités religieuses, ethniques et autres au Bangladesh» , a écrit la représentation locale de l’UE, quand le directeur de Transparency International Bangladesh s’alarme d’ «attaques [allant] à l'encontre de l'esprit du mouvement étudiant anti-discrimination» , à l’origine des manifestations.
De son côté, le puissant voisin indien, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, affirme «surveiller la situation en ce qui concerne le statut des minorités» . «L'ampleur réelle de ces attaques n'est pas encore claire» , a-t-il ajouté à l’occasion d’une déclaration au Parlement . Un inspecteur de la Force de sécurité frontalière (BSF) de l'Inde a toutefois affirmé à l’AFP que «plusieurs centaines de ressortissants bangladais, pour la plupart hindous, se sont rassemblés le long de la frontière» avec l'Inde. De retour au Bangladesh, Muhammad Yunus , le chef du gouvernement intérimaire et prix Nobel de la paix en 2006, a promis ce jeudi, de rétablir «la loi et l’ordre».
Le Monde du 14/8/2024
Bangladesh : les hindous craignent d’être victimes de la « révolution »:
Après le renversement de la première ministre Sheikh Hasina, la minorité a été visée par des attaques
Carole Dieterich
Dacca - envoyée spéciale - Dans la nuit du lundi 5 août, aux alentours de minuit, plusieurs hommes ont fait irruption dans la maison des Chakraborty, des hindous vivant dans le district de Bagerhat, situé dans le sud du pays. Priyonti, la cadette, âgée de 21 ans, a eu le temps de se cacher. « J’ai vu les attaquants frapper mon père à la tête. Il est mort sur le coup », raconte-t-elle par téléphone. Sa mère et sa sœur ont été grièvement blessées, explique-t-elle encore. Priyonti Chakraborty pense que les assaillants ont profité du chaos qui régnait cette nuit-là, après la chute de l’ancienne première ministre Sheikh Hasina, contrainte de fuir en Inde : « Je soupçonne des voisins de nous avoir attaqués afin de nous prendre nos terres. »
Les survivants ont déserté la demeure familiale, dont le sol reste recouvert du sang du patriarche. « Nous ne l’avons pas nettoyé pour que la police puisse récolter les preuves nécessaires à l’enquête », explique Priyonti Chakraborty. Aucune plainte n’a pu être déposée, et aucun travail d’investigation n’a encore eu lieu, la majorité des policiers ayant tout juste repris leurs fonctions après une semaine de grève. Après avoir participé à la brutale répression du mouvement étudiant, ils avaient déserté par peur des représailles. « Qu’allons-nous faire si on nous attaque une nouvelle fois ? », s’inquiète Priyonti Chakraborty.
Longtemps, les hindous ont été considérés comme une base de soutien pour le parti de la première ministre déchue, la Ligue Awami. « Personne dans ma famille ne fait de politique, cela n’a rien à voir avec le départ de Sheikh Hasina, je pense simplement que notre maison a été pillée et saccagée car l’opportunité s’est présentée », proteste Suborna Sharma Mukti, une étudiante hindoue de 23 ans, originaire de Parbatipur, dans le nord du pays, dont la demeure familiale a été visée. « Des vandales l’ont saccagée, nous avions huit vaches, elles ont toutes été volées », raconte-t-elle au milieu des slogans repris par la foule. A Dacca, la capitale, dimanche 11 août, plusieurs centaines de personnes, comme elle, s’étaient rassemblées pour le troisième jour d’affilée dans le but de demander au nouveau gouvernement intérimaire du Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus d’agir.
Rester discrets
Selon le porte-parole du Hindu Buddhist Christian Unity Council, des violences sont à déplorer dans tous les districts du pays. La plupart ont ciblé des maisons, des magasins, mais aussi des temples hindous, avec une gravité variable. L’organisation, qui œuvre pour la protection des droits des minorités, a recensé trois morts à travers le pays depuis début août.
La maison du musicien de renom Rahul Ananda a elle aussi été incendiée, lundi 5 août, dans le quartier de Dhanmondi, à Dacca. Lors de sa visite au Bangladesh, en septembre 2023, le président français, Emmanuel Macron, avait rendu visite à l’artiste. Par peur de devenir des cibles, certains hindous choisissent de rester discrets. « Un ami de mon père a dû fuir sa maison et s’est réfugié chez nous pour se cacher », explique une lycéenne de 16 ans, dont nous avons choisi de taire le nom. « Il préfère ne pas s’exprimer, car il reçoit toujours des menaces téléphoniques », s’inquiète la jeune fille.
Au vu du contexte, la sécurité du temple hindou de Dhakeshwari, le plus important du pays, situé dans le vieux Dacca, a été renforcée. La nuit, en l’absence de la police, une vingtaine de volontaires de toutes les religions se mobilisent pour garder ce lieu de culte vieux de 800 ans. « Les minorités sont mentalement très éprouvées et craignent pour leur sécurité », estime l’activiste Kajal Debnath. La situation est plus inquiétante dans les campagnes. « Je vis dans une petite ville et je me sens en sécurité, mais mes parents, qui sont à la campagne, se trouvent dans un état de panique », confirme Shushata Boiragi, venue visiter le temple.
Les hindous représentent environ 8 % de la population dans ce pays de 170 millions d’habitants à majorité musulmane. Beaucoup ont fui vers l’Inde voisine durant la guerre de libération contre le Pakistan en 1971, mais ils restent la plus importante minorité religieuse du Bangladesh.
« Les hindous ont toujours fait les frais des soubresauts politiques, et chaque fois cela a conduit à l’exode », déplore Kajal Debnath, qui craint une nouvelle fuite des populations hindoues vers l’Inde. New Delhi a créé, le 9 août, un comité chargé de surveiller la situation à la frontière indo-bangladaise, dont l’objectif est d’ « assurer la sûreté et la sécurité des ressortissants indiens, des hindous et des autres communautés minoritaires qui vivent[au Bangladesh] », a déclaré le ministère de l’intérieur indien sur X.
Le gouvernement intérimaire s’est engagé à mettre fin aux violences contre des minorités religieuses « constatées[en certains endroits] avec une vive inquiétude », a-t-il déclaré dans son premier communiqué officiel. Les conseillers se réuniront immédiatement pour « trouver des moyens de mettre un terme à ces attaques odieuses ». Le chef du gouvernement par intérim, Muhammad Yunus, avait déjà lancé, samedi, un appel à l’unité religieuse. « Notre responsabilité est de construire un nouveau Bangladesh » , a déclaré l’économiste de 84 ans. « Ne faisons pas de différence en fonction de la religion », a-t-il insisté.
« Plus vulnérables »
Presque tous les incidents ont eu lieu dans les heures chaotiques qui ont suivi la fuite de la première ministre et la grève des forces de police, détestées pour avoir tiré sur des manifestants anti-Hasina. « La situation sécuritaire s’est considérablement dégradée à ce moment-là, et ces attaques ont pour but de se saisir des terres, elles visent les hindous car ils sont plus vulnérables et donc plus faciles à cibler », avance Faruq Faisel, directeur d’une organisation locale de défense des droits humains.
Le phénomène, dont il est difficile de prendre la mesure, a largement été amplifié par des rumeurs relayées sur les réseaux sociaux et dans les médias indiens, pays voisin à majorité hindoue. « Les médias indiens ont joué un rôle en exagérant les problèmes, et certaines des attaques rapportées sur les réseaux sociaux se sont révélées fausses », abonde Faruq Faisel. De nombreuses allégations trouvent leurs sources sur les réseaux indiens, où le premier ministre, Narendra Modi, nationaliste hindou décomplexé, était un soutien du régime de Sheikh Hasina.
L’équipe de Rumor Scanner, une organisation bangladaise spécialisée dans la vérification des faits, a identifié plus de 40 rumeurs de ce type propagées par des comptes indiens sur les réseaux sociaux, mais aussi par des médias. Une publication affirme que la résidence du célèbre joueur de cricket hindou Litton Das a été incendiée, avec la photo de la maison en flammes d’un autre joueur de cricket, qui est musulman. Le sportif a lui-même démenti sur Facebook. D’autres messages affirment, à tort, que 500 hindous ont été tués ou que des centaines de femmes hindoues ont été violées.
Si les pires informations faisant état d’attaques contre les hindous ont été fabriquées de toutes pièces, la peur et la colère qui se sont emparées de la communauté sont bien réelles. « On ne se sent en sécurité nulle part » , regrette Suborna Sharma Mukti, au milieu des manifestants réunis à Shahbag, d’où la contestation étudiante est partie en juillet.
Merci J ai du mal à trouver des sources pour ce confit Les médias francophones parlent surtout d une révolution et d un changement de régime mais j ai vue des vidéo de choses qui sont clairement du nettoyage ethnique
Je ne m y connais absolument pas en politique bengale
Invité
Invité
Sujet: Re: Bangladesh Jeu 15 Aoû - 18:25
Les musulmans et les hindoux, ce n'est pas l'amour fou entre eux, il n'y a qu'à voir ce qu'il se passe en Inde.
Sinon, j'ai trouvé ceci qui m'a paru intéressant :
Citation :
« J'aurais pu rester au pouvoir si j'avais renoncé à la souveraineté de l'île Saint-Martin et permis à l'Amérique de dominer la baie du Bengale », a déclaré Hasina dans un message transmis à l'Economic Times par l'intermédiaire de ses proches collaborateurs.
Je ne m y connais absolument pas en politique bengale
Moi non plus mais j'ai trouvé cet article intéressant pour établir en semblant de contexte historique
Journal La Croix 22/07/2024
Violences au Bangladesh : l'Inde, un ami embarrassé :
Côme Bastin (correspondance particulière à New Delhi)
Grand soutien du parti de la première ministre Sheikh Hasina depuis la création du Bangladesh en 1971, l'Inde ne voit pas d'un bon oeil la révolte en cours.
Officiellement, il s'agit d'une « affaire interne » au Bangladesh. Tout comme, d'ailleurs, les dernières élections, qui ont vu la première ministre bangladaise Sheikh Hasina reconduite sans opposition. En 2022, le premier ministre indien Narendra Modi l'avait reçue pour une visite d'État de quatre jours, vantant une dirigeante démocrate et laïque en dépit de toutes les alertes sur l'autoritarisme de son régime. Mais officieusement, New Delhi a bien conscience du séisme qui s'annonce si Sheikh Hasina est dépassée, voire renversée par la révolte des étudiants contre la mise en place de quotas de recrutement dans la fonction publique. Bilan lundi 22 juillet : une centaine de morts et plus de 500 arrestations.
Hasina, une partenaire de longue date
Si le Bangladesh est souvent qualifié de pays ami par la diplomatie indienne, cette amitié est d'abord celle construite avec la Ligue Awami, le parti de Sheikh Hasina, depuis 1971. À l'époque, le Bangladesh, ou Pakistan oriental, demande son indépendance du Pakistan. La première ministre indienne Indira Gandhi envoie l'armée pour soutenir la guerre de libération menée par Sheikh Mujibur Rahman, père de Sheikh Hasina et fondateur de la Ligue Awami. Au grand dam du Pakistan, le Bangladesh voit le jour, en tant que démocratie laïque.
L'histoire du jeune pays sera mouvementée, avec un coup d'État des 1975 durant lequel la famille de Sheikh Hasina sera assassinée. La fille du héros de la libération deviendra président de la Ligue Awami et accédera démocratiquement au pouvoir en 1996. Dès lors, la « Dame de fer » sera systématiquement reconduite (sauf en 2001), avec le soutien inconditionnel de l'Inde.
Mais depuis 2014, « le sentiment anti-indien croît au Bangladesh, à cause de la caution sans limite à un régime dont les exactions sont exposées aux yeux de tous, explique Ali Riaz, politologue spécialiste de l'Asie du Sud à l'Illinois State University. L'Inde veut en réalité assurer la stabilité du nord-est de son territoire, qui compte des menaces terroristes, et garder l'accès au marché du Bangladesh. »
« Traiter le Bangladesh comme un vassal »
Pour défendre Sheikh Hasina, l'Inde reprend sa rhétorique du « moi ou le chaos ». « C'est une femme à poigne, concède un diplomate de haut rang ayant servi au Bangladesh. L'opposition la déteste pour ses idéaux laïcs, car les islamistes veulent faire régner la charia au Bangladesh. Les opposants à Hasina n'aiment pas les liens amicaux qu'elle entretient avec l'Inde. »
Un argument éculé, estime Ali Riaz : «La Ligue Awami a une histoire laïque mais c'est sous ce régime que le Bangladesh s'est islamisé à la suite de sérieux compromis avec les extrémistes. » Instigateur de plusieurs campagnes contre l'Inde au Bangladesh, l'opposant exilé à Paris Pinaki Bhattacharya dénonce « les interférences de l'Inde, qui maintiennent Hasina au pouvoir pour traiter le Bangladesh comme un vassal ».
Si le scénario relève pour l'heure de la fiction, l'Inde a tout à perdre en cas de chute de Sheikh Hasina. « Les agences de renseignements doivent échanger sur les soutiens à cette agitation, qui continue en dépit de la décision de la Cour suprême du Bangladesh de revenir sur les quotas controversés, estime l'ancien diplomate indien, visant la Chine et le Pakistan. Nous avons d'évidentes préoccupations concernant l'instabilité politique, commerciale et migratoire. »
Depuis 2014, le parti BJP de Narendra Modi stigmatise les migrants bangladais - sauf lorsqu'il s'agit d'hindous. En affirmant ce dimanche 21 juillet qu'elle offrirait refuge aux persécutés, l'opposante et dirigeante du Bengale-Occidental Mamata Banerjee a fait enrager le parti nationaliste hindou. Plus tôt, des Indiens manifestant leur soutien aux Bangladais à Calcutta avaient été arrêtés.
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Sujet: Re: Bangladesh
Bangladesh
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