Il m'est venu ce texte...Vous avez brassé mes émotions....
Des inconnus m’ont donné leur sang, leur puissance leur conscience. Quelque chose d’eux en moi, dans cette toute petite fille que j’étais.
A Nouméa, pas de stock, ma vie ne tenait qu’à un fil. A tout moment, il pouvait se rompre, foncer vers le bloc et faire sans le sang.
Un message est passé à la télé, en boucle. Répétitive, obsédante. Un appel pressant. Il y en avait deux ou trois fois l’an des messages de ce type mais ce soir, c’était pour une petite fille en train de mourir.
Ils sont venus ces inconnus, pour que vive cette petite fille. Don anonyme, don gratuit. Don de soi par idéal, par générosité pure. Le jour n’était même pas levé que nous avons foncé vers le bloc…
Lorsque je me suis réveillée, j’ai vu cette énorme poche à côté de moi, elle m’a terrifiée….c’était noir, sombre, visqueux. C’était la vie, tout simplement, la vie organique qui coulait en moi , la vie sans laquelle je n’aurai jamais pu exister.
Je suis revenue à la vie et j’ai grandie, sans doute moins que cela n’aurait du. Par reflexe, la puberté s’est faite précoce, survie de l’espèce.
J’ai conscientisé ces dons bien plus tard…J’aurai voulu donner à mon tour mais sans rate c’est plus difficile, pareil pour le don de moelle osseuse. Une fois morte, je payerai ma dette, je suis depuis longtemps inscrite sur des listes de donneurs…
Souvent je pense à ces inconnus, pour qui j’ai une gratitude immense. Je tache de distinguer leur visage. Je vois un chirurgien, une infirmière et des inconnus qui sont venus….je n’aurais pas survécu sans eux…
Lorsque la vie s’est faite grise, j’ai été en prise avec une terrible envie d’en finir. Et puis j’ai pensé à eux, à ce don d’eux même, ce don de vie. Par respect pour eux, j'ai continuer d'avancer, bancale, brisée mais en marche...Je n’en parle que peu, ils sont symboliquement mon autre famille, ma lumière et mon groupe d’âmes. Pour eux je me suis accrochée, malgré des douleurs, des souffrances des chocs incroyables. Par ce qu’une nuit, des inconnus sont venu sauver une petite fille…Je n’aurai jamais assez de mots dans ma voix pour leur dire merci mais je suis sure que leur âme, depuis bien longtemps, a reçu le message…..
Mon cœur est plein d’une infinie gratitude pour ce chirurgien d’exception dont la fille avait le même âge que moi, à mon pédiatre qui a tout de suite compris l’ampleur de la catastrophe, a ces sœurs hospitalières qui pleuraient de me faire mal….a mes proches pour ces instants que jamais je ne pourrais oublier….
( juin 1974)